Ancien Directeur de la division Affaires publiques scientifiques et médicales chez Roche Diagnostics France à Meylan, Franck Leenhardt a également dirigé au sein de la société la division Diabète (lecteurs de glycémie, pompes à insuline) après avoir travaillé au sein de la Division Life Sciences (Réactifs et instruments pour la recherche, Bio moléculaire…).
Franck Leenhardt a été eprésentant de Roche Diagnostics pendant plus de 10 ans au bureau du SIDIV-Syndicat de l’Industrie du Diagnostic In Vitro.
Il co-pilote le groupe Santé de l’AUEG avec Jean Peyrière.
Dépistage du virus Covid-19
Les tests de biologie médicale de diagnostic de l’infection au SARS-CoV-2
Les tests dépendent de la cinétique des biomarqueurs dans l’évolution de la maladie. L’ARN du virus peut être détecté de 1 à 2 jours avant l’apparition des symptômes et pendant une durée de 7 à 14 jours. Les anticorps neutralisants apparaissent quant à eux entre 9 et 12 jours après l’apparition des symptômes.
Il existe 2 types de tests :
- Les tests de détection du virus lui-même, tests moléculaires de PCR (Polymerase Chain Reaction) détectant par un système d’amplification l’ARN viral à partir d’un prélèvement des cellules épithéliales profondes dans le nez à l’aide d’un écouvillon et qui peuvent être automatisés ou semi-automatiques.
- Les tests de réponse immunitaire de l’hôte, tests sérologiques basés sur la détection d’anticorps (IgM et IgG) dans le sang et qui peuvent aussi être automatisés ou manuels. Il en existe 2 sortes : les tests ELISA réalisables sur des automates et des tests rapides (TDR)
Un test PCR en laboratoire de ville est facturé 54 euros, remboursé à hauteur de 60 % par la sécurité sociale depuis le 7 mars 2020 et 100 % depuis le 11 mai 2020 et 135 euros en milieu hospitalier dans le cadre de la T2A (Tarification à l’activité). Les tests sérologiques ne sont pas encore remboursés.
1/ La période d’incubation entre le moment de la contamination et l’apparition des premiers symptômes dure en général 5 jours et la période de contagiosité dure entre 7 et 14 jours. En période d’expansion épidémique le test moléculaire de PCR est privilégié afin de détecter tout patient contagieux et de l’isoler pour qu’il ne transmette pas le virus .En l’état actuel des connaissances, la HAS[1] précise que le test PCR est optimal dans les échantillons nasopharyngés jusqu’à 7 jours après l’apparition des symptômes. Ces tests sont très spécifiques (quasiment pas de faux positifs) et doivent être très sensibles mais la sensibilité effective des tests PCR n’est comprise qu’entre 65 et 70 % à cause du prélèvement effectué trop tôt ou trop tard ou un écouvillonnage mal fait par exemple ce qui implique que des résultats peuvent être faussement négatifs.
Ces tests se déroulent en 3 étapes : Extraction, Amplification et Détection et peuvent être effectués avec une combinaison d’instruments ouverts et semi-automatisés (Extracteurs, appareils de PCR etc) ou par des systèmes fermés de haut débit. Les délais de résultats varient entre 3 et 5 heures. Certains tests ne fonctionnent qu’avec des plateformes spécifiques d’autres sont compatibles avec un grand nombre de système. Par exemple Roche Diagnostics propose des systèmes entièrement automatisés à très haut débit (Cobas 6800 et 8800) à cadence élevée (400 à 1000 tests en 8H avec obtention des premiers résultats en 3H30) ou des systèmes ouverts (Extracteurs MagNa Pure et Light Cycler) semi-automatisés.
Pour être commercialisés en France ces tests doivent avoir le marquage CE et nécessitent une validation par le CNR-Centre National de Référence. Fin avril une trentaine de tests (validés par le CNR) étaient autorisés et disponibles en France selon la liste de la DGS[2]. Par ailleurs pour mener à bien ces analyses il faut outre les instruments des consommables : écouvillons, tubes de milieux de transport et des réactifs.
2/ Les tests sérologiques s’effectuent de 9 à 15 jours après l’apparition des symptômes Ces tests plutôt préconisés en période de décroissance épidémique doivent être très spécifiques afin de ne pas rendre de résultat faussement positif ce qui ferait croire à tort au patient qu’il est immunisé. Par ailleurs il faut noter que le caractère protecteur des anticorps anti Covid-19 n’est actuellement pas garanti et que la cinétique d’apparition et de disparition de ces anticorps est très mal documentée.
La HAS en date du 2 mai (HAS-Place des tests sérologiques dans la stratégie de prise en charge de la maladie COVID-19-Mai 2020-www.HAS-sante.fr) a fait un point sur la place de ces tests dans la stratégie de prise en charge du Covid-19. Elle mentionne que la détection des anticorps IgM et/ou IgG est optimale chez tous les patients à partir de 15 jours après le début des symptômes mais que ce test ne permet que de déterminer si une personne a produit des anticorps en réponse à une infection. En revanche elle ne permet pas de dire si la personne est contagieuse ni si elle a une protection immunitaire efficace. La HAS indique que ces tests sérologiques auraient une place dans la surveillance épidémiologique, les diagnostics de rattrapage et la prévention de la circulation du virus dans les structures d’hébergement collectif.
La plupart de ces tests sont toujours en phase d’évaluation. Ils peuvent être automatisables comme par exemple le fabricant Chinois YHLO qui propose des instruments de haute cadence (iFlash 1800) ou des tests rapides comme par exemple NG Biotech, entreprise bretonne qui a mis au point un test de sérologie ultra rapide (en 15min) à partir d’une goutte de sang.
Stratégie de dépistage française
Cette stratégie est en constante évolution.
Au début de l’épidémie les tests PCR étaient réalisés uniquement par les centres hospitaliers. Depuis l’arrêté paru le 7 mars 2020 les laboratoires de ville équipés de plateaux techniques peuvent également prélever et analyser les échantillons infectieux (4200 laboratoires de biologie médicale privés sont présents sur le territoire). Enfin, suite à la recommandation de l’académie de médecine le gouvernement a élargi début avril la liste des laboratoires agréés (laboratoire de génétique ou de recherche, laboratoires vétérinaires)
L’objectif du gouvernement est de réaliser 50 000 tests de PCR par jour à fin avril et 100 000 au 11 mai date du déconfinement. Chaque test doit être prescrit par un médecin et destiné aux sujets présentant des symptômes et leurs contacts récents, les professionnels de santé avec symptômes, les femmes enceintes symptomatiques, les résidents et professionnels de santé des EHPAD etc. Les cas positifs seront isolés pendant 14 jours afin de casser la chaine de transmission. Ce dépistage se fait suite à un rendez- vous avec son médecin traitant qui fait une prescription. Les prélèvements sont réalisés à domicile ou en centre de dépistage ambulatoire. Le traçage des personnes contact d’une personne testée positive est un immense challenge : cela implique qu’un nombre important de personnes de l’assurance maladie et des ARS (les fameuses « brigades d’anges gardiens » selon la formule d’Olivier Véran) devront prendre contact par téléphone avec les personnes testées positives afin de remonter la chaine de transmission. C’est-à-dire déterminer les personnes rencontrées dans les 48H passées afin de les faire tester et les isoler en cas de positivité. Il y a aussi une inquiétude par rapport aux données personnelles ainsi recueillies et leur devenir.
Pourquoi pas de dépistage massif en France ?
Il est pourtant prôné par l’OMS-Organisation Mondiale de la Santé.
L’Allemagne l’a mis en place : 500 000 tests par semaine quand la France en faisait 50 000. Pourquoi ? Elle a développé un protocole très tôt en janvier, juste après la publication de la séquence du virus le 10 janvier. L’Allemagne est aussi en avance sur la présence d’automates, par exemple sur les 900 automates de Roche Diagnostics en service dans le monde, 100 fonctionnent en Allemagne contre seulement 15 en France. Par ailleurs l’Allemagne est plus autonome dans la production de tests et réactifs (Tib Mol Bio, Bosh etc). Face à une pénurie d’écouvillons potentielle les allemands réagissent, par exemple la société SWK innovation a transformé sa chaine de production pour fabriquer 60 000 unités par jour. Enfin l’Allemagne a un système de santé fédéral, beaucoup moins centralisé que la machine étatique française. Les prélèvements sont effectués par de nombreux cabinets généralistes et les LBM ont pu tester comme les hôpitaux dès le début.
En France nous sommes en retard sur les équipements. Le ministère de la santé a commandé 20 automates produits par MGI, filiale pour les diagnostics virologiques du spécialiste chinois de séquençage génétique BGI (Beijing Genomics Institute) ainsi que 2 millions d’écouvillons afin de faire 40 000 tests PCR par jour. Ces instruments seront placés dans 10 CHU.
Il y a cependant des initiatives intéressantes comme par exemple le groupe Lemoine en Normandie qui a mis seulement 8 jours pour adapter une ligne de production concernant les écouvillons et est le seul en France à en produire (1,5 millions par semaine).
Une autre inquiétude concerne les poids lourds du Diagnostic In Vitro (DIV) qui doivent livrer en un temps record des quantités de tests beaucoup plus importantes que d’ordinaire et/ou mettre sur le marché de nouveaux produits très rapidement (par exemple BioMérieux, Roche Diagnostics, Cepheid, Abbott ou quelques startups travaillent sur des tests plus rapides que les tests courants). L’approvisionnement en consommables, réactifs, écouvillons, milieux de transport etc est sous tension. Les industriels sont amenés à restreindre leur livraison en fonction du parc machine. Le personnel pour les prélèvements et analyses est souvent aussi en manque de bras.
La France devra dans l’avenir rebâtir son indépendance et sa souveraineté nationale pour faire face aux urgences sanitaires. Elle devra développer sa capacité à produire certains produits afin de ne pas être dépendant de fournisseurs étrangers. Des stocks de réserve devront être mis en place pour les produits sensibles (certains dispositifs médicaux comme les masques, les écouvillons, etc) mais aussi certains médicaments. Pour les kits de Diagnostics c’est plus difficile suite aux dates de péremption relativement courtes et à la diversité des kits fonctionnant sur des automates spécifiques.
En conclusion si la France n’a pas dépisté massivement c’est qu’elle n’avait pas les capacités de tester à grande échelle. Il faudra s’en souvenir une fois l’épidémie passée.
Enfin le sujet du passeport immunitaire est sur la table. Ce serait un certificat immunitaire attestant que son détenteur a déjà été infecté par le covid-19 après avoir fait un test sérologique. Comment ne pas penser à lier ce passeport au DMP. Le Dossier Médical Partagé est en effet un outil numérique permettant un partage des informations médicales entre les professionnels de santé qui pourrait parfaitement être le support pour ce passeport immunitaire si celui-ci devait être généralisé. L’AUEG milite en faveur du DMP depuis plus de 10 ans.
Situation du Diagnostic In Vitro (DIV) en France
Le marché du DIV en France est réalisé par environ 80 entreprises. Il représente entre 7 et 8 milliards d’euros mais ne représente que 2 % des dépenses de consommation de soins et biens médicaux alors que 60 à 70% des décisions médicales sont prises à partir d’un test de DIV. Le secteur hospitalier représente 40% et les LBM -Laboratoire de Biologie Médicale privés 60 %. Les principaux leaders sont Roche Diagnostics, Abbott, Siemens, Danaher, BioMerieux, Becton-Dickinson, Sysmex, Alere, etc. Quelques acteurs français produisent en France comme BioMérieux (production d’une partie des tests moléculaires sur un site en Ariège et à Grenoble) ou quelques plus petites entreprises comme AAZ ou Eurobio Scientific mais la majorité des producteurs sont d’origine asiatique ou européenne (Allemagne, Suisse, Espagne). Les leaders sont généralistes mais font face souvent à des acteurs plus spécialisés ou de nouveaux entrants. Ce marché est très régulé, le développement et l’évaluation de chaque test est fait sur la validité analytique (exactitude et fiabilité-sensibilité, spécificité et reproductibilité), la validité clinique (performances diagnostiques- valeur prédictive positive et négative) et l’utilité clinique (aptitudes à améliorer l’état du patient). Une nouvelle réglementation sur les DIV doit entrer en vigueur en 2022 renforçant les obligations de mise sur le marché, le fameux marquage CE pour l’Europe. La HAS-Haute Autorité de Santé (développe la qualité dans les champs sanitaire et social en optimisant les pratiques et organisations) et l’ANSM-Agence Nationale de Sécurité des médicaments et produits de santé (garanti la sécurité des produits de santé) veillent sur la bonne utilisation des tests. Ces tests sont effectués soit en secteur hospitaliers soit dans les laboratoires de biologie médicales privés qui se sont beaucoup regroupés ces dernières années.
[1] HAS : Haute Autorité de Santé : https://www.has-sante.fr/
[2] DGS : Direction Générale de la Santé : https://solidarites-sante.gouv.fr/