Diplômé de l’Ecole nationale de Sécurité Sociale, Jean PEYRIÈRE a été Directeur de la CPAM de Grenoble (1994 à 2017) où il a accompli toute sa carrière. Il a été à ce titre un témoin privilégié de l’évolution de la gouvernance et de la mission des caisses ainsi que la transformation de l’organisation de la structure avec le déploiement des outils informatiques.
Il co-pilote le groupe Santé de l’AUEG avec Franck Leenhardt et il est également membre du Groupe Ecosystème Bien Vieillir.
CRISE SANITAIRE COVID19
LA PLACE DE L’ASSURANCE MALADIE DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ
PRÉAMBULE
La pandémie de la « COVID 19 », par sa fulgurance et son ampleur a fait apparaître non seulement une impréparation de notre système de santé à faire face à une telle crise mais aussi de nombreuses incohérences et manquements multiples. Heureusement l’engagement et les initiatives des professionnels de terrain ont permis de compenser ces insuffisances. En effet tout au long de la crise quelques difficultés ont été observées au niveau des services de l’Etat (notamment les ARS* et Santé Publique France), mais également en lien avec la situation dégradée des hôpitaux et avec ; le manque de coordination des principaux acteurs (hôpital public / cliniques privées et médecins libéraux ,etc.)
Partant, on est en droit de s’interroger sur le rôle de la gouvernance, de l’organisation de notre système de santé actuel. Est-il suffisamment préparé à gérer des crises sanitaires dans un contexte nouveau ? Les pouvoirs publics ont-ils le soutien qu’ils sont en droit d’attendre de leurs services ? Les difficultés de l’hôpital sont-elles liées à sa gestion et à la tarification à l’activité (T2A) ?
Durant cette crise de la Covid 19, malgré son rôle central, l’Assurance Maladie a été peu citée si ce n’est pour mettre en avant l’effet « amortisseur » de la prise en charge des frais de santé, c’est-à-dire son rôle de financeur. Il a été ajouté un arrêt de travail non médical (pour permettre la garde des enfants). Par ailleurs l’Assurance Maladie a été chargée en qualité d’opérateur du suivi de la distribution des masques par les pharmaciens aux autres professionnels de santé et à participer aux ‘’brigades’’ chargées de tracer les personnes ayant été en contact avec un porteur du virus.
Au vu de ces constats et à travers ces questionnements je voudrais par la présente note essayer de mettre en évidence les évolutions législatives qui ont conduit à un amenuisement de la place de l’Assurance Maladie et à cette dualité avec les services de l’Etat qui peut expliquer, au moins en partie, les frictions et difficultés du système.
* Agences Régionales de Santé
Chapitre 1 : UN PEU D’HISTOIRE de la SÉCURITÉ SOCIALE
11 – Principe fondateur de la Sécurité Sociale
L’ordonnance du 4 octobre 1945 précise « Il est institué une organisation de la Sécurité Sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité ou les charges de famille qu’ils supportent ».
Depuis 75 ans la Sécurité Sociale a connu de nombreuses réformes qui ont visé à étendre la couverture sociale à l’ensemble de la population vivant sur notre sol, à réformer le mode de financement, à créer de nouveaux droits, à maîtriser les dépenses et à modifier son organisation c’est-à-dire la gouvernance des branches.
12 – Le Régime juridique particulier des Caisses d’Assurance Maladie
La CNAM est un Etablissement Public mais les Caisses locales sont des « Etablissements Privés chargés d’une mission de service public ». Il en résulte que les Caisses ont une gestion de droit privé. Leur personnel n’est pas fonctionnaire et relève d’une convention collective et elles ont les charges et obligations d’une entreprise privée. En revanche, elles ont les obligations d’un service public qui se traduisent par une tutelle sur les personnes (notamment les agents de direction) et sur les actes. Elles doivent assurer la continuité et garantir l’égalité devant le service public. Enfin, leurs décisions donnent lieu à des procédures de recours.
13 – Les Grandes réformes de la Sécurité Sociale
A l’origine les Caisses sont gérées par des Conseils d’Administration élus (3/4 représentant les salariés, ¼ représentant les employeurs). Leurs pouvoirs sont très étendus. Ils nomment le directeur et les agents de direction, ils ont compétence sur le personnel et l’organisation des services. Il en résulte une réelle décentralisation. Le Décret du 12 mai 1960 renforce les pouvoirs du directeur qui « assure le fonctionnement de l’organisme sous le contrôle du Conseil d’Administration » ; il a seul autorité sur le personnel et fixe l’organisation des services.
131 – Les Ordonnances du 21 août 1967 (Réforme Jeanneney)
Il s’agit d’une réforme majeure qui va réduire les pouvoirs des partenaires sociaux qui perdent leur légitimité élective et qui engage une recentralisation autour de chaque Caisse Nationale.
– Introduction du paritarisme salariés/employeurs dans les conseils d’administration des Caisses (administrateurs désignés et non plus élus),
– Séparation des branches et création des Caisses Nationales (maladie, vieillesse, famille et recouvrement).
132 – La réforme de 1996 (Plan Juppé)
Cette réforme est motivée essentiellement par la maîtrise des dépenses. Les Caisses passent d’un rôle de « payeur aveugle » à celui de gestionnaire des dépenses avec l’apparition de la notion de « gestion du risque ». Elle précise les rôles respectifs de l’Etat et de l’Assurance Maladie en particulier pour la gestion hospitalière.
Les points marquants de la réforme :
Pour l’Assurance Maladie
– création des Conventions Pluriannuelles de Gestion entre l’Etat et la CNAMTS,
– création des URCAM (Unions Régionales des Caisses d’Assurance Maladie) pour piloter la gestion du risque au plan régional,
– instauration de la télétransmission et lancement de la Carte vitale,
– carnet de santé,
– création de l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie),
– références médicales opposables (RMO),
– actions expérimentales (réseaux de soins).
– Pour le secteur hospitalier
La création des ARH (agences régionales d’hospitalisation) chargées de gérer au plan régional l’organisation de l’hospitalisation publique et privée. Elles regroupent à parité au sein d’un GIP des moyens provenant des services de l’Etat (DRASS, DDASS, Médecin Inspecteur Régional) et de l’Assurance Maladie (CRAM). Les ARH sont chargées, au plan régional, de mettre en œuvre la politique hospitalière du Gouvernement, de coordonner l’activité de l’ensemble des établissements de santé, de conclure avec eux des ‘’contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens et de déterminer leurs ressources. Les hôpitaux sont financés à cette époque par une dotation globale.
Au plan politique
Autre évolution majeure cette réforme donne compétence au Parlement pour voter chaque année une loi de financement de la Sécurité Sociale.
133 – La réforme de 2004 (Loi Douste-Blazy)
Cette loi est surtout axée sur la réforme de la gouvernance de l’Assurance Maladie avec :
– La création de l’UNCAM (Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie) qui coordonne l’action des caisses nationales d’assurance maladie de tous les régimes. Elle a un pouvoir réglementaire, fixe les taux de remboursement et d’inscription des actes et prestations remboursables.
Elle négocie les conventions avec les professionnels de santé.
– La création de la Haute Autorité de Santé (HAS).
– Le renforcement des pouvoirs du Directeur Général de la CNAM.
Ce dernier a une autorité renforcée sur le réseau des Caisses (il nomme et met fin aux fonctions des Directeurs et des Agents Comptables, il fixe les circonscriptions de Caisses etc…). Le Conseil d’Administration de la CNAM devient un simple Conseil ce qui confirme la prééminence du Directeur Général dans le dispositif.
Au plan local on constate la même évolution des pouvoirs du Directeur à l’égard de son Conseil mais le lien avec le DG de la CNAM s’inscrit dans une hiérarchie resserrée qui traduit en fait une centralisation de la gouvernance et donc du réseau.
134 – La loi HPST (Hospitalisation, Patient, Santé, Territoire) du 21 juillet 2009 (loi Bachelot)
Cette loi est surtout axée sur la réforme hospitalière et plus largement sur la gestion du système de santé en région.
– Réforme de la gouvernance des hôpitaux publics avec un renforcement des pouvoirs des Directeurs.
– Création des ARS (Agences Régionales de Santé).
C’est l’élément central de la réforme. Les ARS ont pour mission « d’assurer un pilotage unifié de la santé en région ». Elles ont des pouvoirs très étendus en matière de santé. Elles remplacent les Agences Régionales d’Hospitalisation (ARH) ainsi que les Directions Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS) mais aussi des organismes de Sécurité Sociale les URCAM, la branche santé des CRAM qui deviennent les CARSAT et voient leurs compétences réduites à la vieillesse et aux risques professionnels mais aussi une partie du Service Médical Régional pour l’organisation du système de soins et la prévention. On notera que leurs compétences s’étendent à des activités qui étaient jusque- là gérées par l’Assurance Maladie aussi bien en matière hospitalière que dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé.
14 – Commentaires : La reprise en mains par l’Etat
Il était important de rappeler la chronologie des principales réformes de la Sécurité Sociale pour bien comprendre la situation actuelle en matière de répartition des compétences et de responsabilités. Ces évolutions sont compréhensibles à travers les enjeux de pouvoir mais aussi en raison de l’évolution de la société, de l’évolution de la médecine et de l’arrivée des nouvelles technologies.
Le premier constat est le passage de la « démocratie sociale » à une gestion purement administrative. Cela résulte de quelques excès (notamment en matière de gestion du personnel) mais aussi de trop grandes disparités de service entre les Caisses. Cela s’est traduit par la perte progressive des pouvoirs des Conseils d’Administration locaux au profit des Caisses Nationales avec une structuration plus pyramidale du réseau et les pouvoirs particulièrement étendus donnés au Directeur Général de la CNAM.
Si cette recentralisation de l’Institution a permis d’assurer une égalité de traitement sur le territoire national elle a en contrepartie bloqué les initiatives locales d’envergure. Pour illustrer mon propos je rappellerai que la CPAM de Grenoble a été l’une des toutes premières en 1966 (sous l’impulsion de son Directeur de l’époque Louis Péresse) à mettre en place un système de traitement informatique des prestations soit environ 5 ans avant la création d’un système informatique national. De nombreux autres exemples pourraient être cités
Sur un autre plan, il faut rappeler que ces réformes successives étaient motivées par la recherche de l’équilibre financier de la Sécurité Sociale. Si dans une première phase les Caisses ont été des ‘’payeurs aveugles’’ le tournant est pris en 1996 avec le plan Juppé qui met en place la maîtrise médicalisée des dépenses de soins (perçue comme une maîtrise comptable par les professionnels de santé). La recherche de l’équilibre financier sera dès lors omniprésente. En 1997 la CSG (créée en 1990 par le gouvernement Rocard) est étendue au financement du risque maladie.
Ce choix est une nouvelle entorse à la gestion des Caisses par les partenaires sociaux puisqu’on introduit un financement par l’impôt à côté du financement par les cotisations salariés/employeurs qui préfigure la réduction des pouvoirs des Conseils d’Administration et la remise en cause du paritarisme.
La répartition des compétences entre l’Etat et l’Assurance Maladie
La succession des réformes de l’Assurance Maladie, à l’exception de celle de 2004, traduit une reprise en mains par l’Etat du pilotage du système de santé sous tous ses aspects c’est-à-dire aussi bien en matière d’organisation que de maîtrise des dépenses. Pour illustrer ce constat il suffit d’analyser l’évolution des rôles respectifs de l’Etat et de l’Assurance Maladie dans la gestion des hôpitaux et plus largement dans la maîtrise des dépenses de santé.
La création des ARH en 1996 dans le cadre du plan Juppé a été conçue comme un partenariat Etat/Assurance Maladie au sein d’un GIP (groupement d’intérêt public).
La création des ARS en 2010 dans le cadre de la loi HPST (loi Bachelot) a par contre, marqué la prééminence de l’Etat dans l’organisation des soins, la gestion des hôpitaux et la maîtrise des dépenses de santé dans le cadre de la gestion du risque.
L’ARS, établissement public de l’Etat à caractère administratif, a regroupé en son sein des fonctionnaires et des personnels de droit privé issus de l’Assurance Maladie (dans un rapport 75%/25%).
On peut comprendre la difficulté de gestion avec des personnels ayant pour les uns un statut, pour les autres une convention collective qui ont mis en évidence des écarts de rémunération importants et des modes de management différents. Cet épisode a été très mal vécu par l’Assurance Maladie qui s’est sentie injustement dépossédée et ce d’autant qu’elle avait obtenu des résultats en matière de gestion du risque.
Pour contrebalancer cette « mainmise » de l’Etat, le DG de la CNAM a instauré au plan régional un DCGDR (directeur coordonnateur de la gestion du risque) pour que l’Assurance Maladie oppose un interlocuteur unique au directeur de l’ARS.
Après 10 ans de fonctionnement on peut constater que les ARS mal nées (cela n’engage que moi) n’ont pas réellement trouvé leur place ni prouvé leur efficacité si ce n’est à travers une gestion très bureaucratique assez peu pragmatique et vécue par nombre de professionnels de santé et les hôpitaux comme une tutelle tatillonne et déconnectée des réalités.
Chapitre 2 : LES ATOUTS DE L’ASSURANCE MALADIE
La place de l’Assurance Maladie dans le système de santé est donc aujourd’hui celle de payeur mais ses prérogatives en matière de pilotage du système de santé ont été fortement amenuisées pour ne lui laisser qu’un rôle d’opérateur. Il n’en reste pas moins que ce rôle est capital et qu’elle le tient avec une efficacité reconnue Ses atouts sont nombreux et ses compétences devraient être mieux utilisées.
21 – Un service public apprécié
L’Assurance Maladie a une image très positive dans les enquêtes d’opinion relatives aux services publics.
22 – Des coûts de gestion maîtrisés
Elle le doit à la qualité de sa gestion et des services offerts à ses publics. Ses coûts de gestion sont maîtrisés et plus bas que ceux des mutuelles et compagnies d’assurance (elle réduit ses effectifs de 15 000 emplois entre 2004 et 2013). Ses dépenses de fonctionnement représentent environ 2,5 % des sommes payées.
23 – Un régime juridique qui allie une gestion privée et les obligations
d’un Service Public
Son régime juridique lui donne une souplesse de fonctionnement qui lui permet d’être plus efficace et plus réactive que les services de l’Etat pour un coût de fonctionnement maîtrisé.
24 – La maîtrise des outils informatiques
Elle dispose d’applications informatiques performantes et elle a toujours su intégrer les directives gouvernementales en matière tarifaire dans les délais impartis. Elle dispose d’équipes de développement importantes (dont un pôle de plus de 100 personnes à Grenoble).
Une de ses grandes réussites est le site AMELI qui comptabilisait plus de 30 000 000 d’adhérents en février 2019 et dont le contenu est unanimement apprécié aussi bien par les assurés que par les professionnels de santé. Aucun site n’a atteint un tel volume d’adhérents et l’éventail des services proposés est très étendu.
25 – La capacité de participer à la veille sanitaire et à lancer des alertes
L’Assurance Maladie dispose enfin d’un recueil de données statistiques et médicales de la première importance.
A titre d’exemple il faut rappeler l’alerte lancée par l’Assurance Maladie dans l’affaire du ‘’Médiator’’. Le Pr Hubert Allemand (Médecin Conseil Chef National) avait saisi l’Agence du Médicament le 21 septembre 1998. Aucune suite n’a été donnée et il a fallu attendre 2009 pour que le Mediator soit retiré du marché.
26 – La responsabilité du déploiement du DMP
On comprendra que c’est au vu de ce savoir-faire et de la puissance de son réseau que l’Etat lui a confié le déploiement du DMP (dossier médical partagé) depuis 2017. L’Assurance Maladie a prouvé son efficacité en la matière puisque fin 2019 on comptabilisait plus de 8 000 000 de DMP ouverts et cela permet d’envisager sa généralisation, prévue au dernier trimestre 2020. Il restera toutefois à favoriser l’enrichissement du DMP et à rendre son utilisation courante (en s’appuyant sur le volet médical de synthèse) par les professionnels de santé dans le cadre de leur pratique.
Chapitre 3 : DES IDÉES POUR DEMAIN
Notre système de santé est au cœur des débats et des polémiques ce qui est somme toute normal dans ce contexte de crise sans précédent. S’il est urgent de répondre à la question de la rémunération des personnels soignants il faut se donner le temps de la réflexion pour entreprendre des réformes de fond pour éviter des solutions ‘’à chaud’’ qui pourraient être pires que le mal.
31 – Redéfinir le rôle de l’Etat et de l’Assurance Maladie dans le système de santé
311 – Un nouveau partage des compétences entre l’Etat et l’Assurance Maladie
Cette demande a déjà été préconisée par la Cour des Comptes. Pour ma part, je pense que s’il appartient à l’Etat de définir l’organisation du système de santé, l’Assurance Maladie doit être confortée dans son rôle de financeur, c’est-à-dire depuis l’attribution des moyens jusqu’au contrôle de l’utilisation des fonds et au pilotage de la gestion du risque. L’Etat exerçant une tutelle sur l’ensemble. Cette solution serait économiquement intéressante dans la mesure où l’Assurance Maladie pourrait dégager des moyens humains du fait de la digitalisation et de « l’industrialisation » de sa production. En outre, cela permettrait de recentrer les ARS sur leur cœur de métier à savoir la mise en œuvre de la politique de santé publique (organisation du système de soins, suivi de l’état et de la sécurité sanitaire, volet environnemental avec le suivi de la qualité de l’eau, de l’air, des aliments, de l’habitat et des nuisances…).
312 – Une gouvernance décentralisée et ouverte
Il est légitime que la Caisse Nationale d’Assurance Maladie soit la garante de la cohésion du réseau des Caisses. Toutefois il est souhaitable de redonner du pouvoir aux Conseils des Caisses locales. Cela pourrait être le cas en matière de développement d’une politique de prévention en ouvrant des partenariats avec les Conseils Départementaux, les Mutuelles, etc. La composition des Conseils devrait être revue en conséquence. Pour mémoire, actuellement les conseils comprennent outre les partenaires sociaux (employeurs/salariés), des représentants de la mutualité, des associations familiales et d’usagers. Pour l’avenir il serait pertinent d’envisager une participation renforcée des associations d’usagers, du Conseil Départemental mais aussi des représentants professionnels de santé qui devraient être traités comme des partenaires du système de santé.
32 – Unifier les régimes d’Assurance Maladie
L’ordonnance de 1945 créant la Sécurité Sociale prévoyait un régime unique. Cette unification qui n’a pas pu être faite pour des raisons sociologiques et économiques redevient d’actualité. Le régime des indépendants a été intégré à l’Assurance Maladie en 2020 et on commence à évoquer l’intégration du régime agricole. Ce regroupement favoriserait les économies de gestion mais surtout permettrait de développer une gestion unique des traitements, donnerait un interlocuteur unique aux professionnels de santé et serait un moyen de prendre en compte plus facilement les nouvelles technologies.
33 – La rémunération des professionnels de santé
Il convient de repenser la rémunération des professionnels de santé libéraux. La rémunération à l’acte est obsolète, elle est complexe, inflationniste et ne favorise pas la qualité des soins. Une première évolution a été engagée il y a un peu plus de 10 ans avec la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Elle a été appréciée par les professionnels même si elle comporte de graves lacunes.
Il serait souhaitable à l’avenir de réfléchir à un dispositif qui prendrait en compte le fonctionnement de la structure, qui simplifierait les actes, qui favoriserait une véritable politique de prévention (en accompagnant le patient ‘’acteur de sa santé’’).
34 – Le mode de financement des hôpitaux et la rémunération de ses personnels
341- Le financement des hôpitaux
Il a été beaucoup question du financement des hôpitaux sur la base de la T2A (tarification à l’activité). Il est vrai que ce dispositif est aussi peu adapté que le paiement à l’acte en médecine de ville. Il faut lire à cet effet l’interview prémonitoire du 23 août 2008 (en annexe) des professeurs Bizard (sciences po) et Papiernik (hôpital Cochin). On rappellera toutefois que la T2A a remplacé le financement par « budget global » qui ne favorisait ni l’excellence, ni l’innovation puisque la dotation globale originelle était revalorisée chaque année en fonction d’un taux directeur appliqué de façon assez rigide sans tenir compte des spécificités constatées sur le terrain. Sans doute faut-il imaginer un système hybride avec l’introduction d’une tarification à la pathologie
342- La rémunération des personnels
Il a été dit, à juste titre, que les personnels hospitaliers sont mal payés et qu’une revalorisation conséquente est nécessaire. Le problème étant posé, il est particulièrement difficile à résoudre et donnera lieu sans doute à des tensions. Je voudrais attirer l’attention sur le fait que ce personnel relève de la fonction publique hospitalière et que toute augmentation nécessite un relèvement de l’indice ce qui risque d’avoir des répercussions sur les autres catégories de fonctionnaires. Ce n’est sans doute pas par hasard si le Gouvernement a fait un premier geste par l’intermédiaire d’une prime. Le moment est peut-être propice pour évoluer progressivement d’un statut à une convention collective (du type de celle du personnel des organismes de Sécurité Sociale qui est loin d’être défavorable au personnel). Dans le même esprit, on pourrait imaginer que les hôpitaux évoluent vers un mode de gestion comparable à celui des ESPIC (Etablissements de Santé Privés d’Intérêt Public). Cette formule pourrait donner plus d’autonomie, de souplesse et de réactivité en matière de gestion.
35 – Un nouvel essor pour le DMP
Si le déploiement du DMP est déjà bien avancé au moins en nombre de dossiers créés, il y a sans doute une opportunité pour le placer au cœur d’un système de santé repensé. Son utilisation pourrait être rendue obligatoire dans le cadre du développement de la télémédecine et de la e-prescription selon des modalités qui seraient à définir. Le moment est sans doute propice pour faire sauter quelques oppositions de principe et favoriser la mise en œuvre d’une pratique médicale moderne c’est-à-dire efficace et mieux gérée.
CONCLUSION
Cette crise a mis en évidence les insuffisances et la gestion chaotique de notre système de santé. Cette sorte d’étatisation du système de santé au détriment de l’Assurance Maladie explique pour une large part ces insuffisances. Il faudrait revenir à une définition claire des rôles de l’Etat et de l’Assurance Maladie en utilisant les compétences et le savoir – faire de cette dernière. Il faudrait aussi redonner du pouvoir aux Conseils des Caisses sur les problématiques locales et les ouvrir à de nouveaux partenaires dans un esprit d’innovation et le souci de ‘’coller’’ à la réalité du terrain.
Il faut retenir aussi que les organismes créés dans le cadre d’une fusion mettent toujours beaucoup de temps pour trouver leur équilibre et gommer les rivalités entre les différents services dont ils sont issus. C’est particulièrement vrai pour les ARS (qui ont regroupé des services de l’Etat et de l’Assurance Maladie) mais aussi pour Santé Publique France issu de la fusion en mai 2016 de l’INPES (Institut National de la Prévention et de l’Education pour la Santé), de l’InVS (Institut de Veille Sanitaire), de l’EPRUS (Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires) et de l’ADALIS (Addictions Drogue Alcool Info Service).
Il faut souhaiter qu’au moment où vient de s’ouvrir le « Ségur de la santé » les différents partenaires sachent dépasser les clivages habituels pour donner à notre système de santé une organisation et des moyens qui lui redonnent son efficacité.