Contribution de Jean CALOP

Pharmacien de formation et Professeur émérite Jean Calop a été enseignant de pharmacie clinique à la faculté de pharmacie de Grenoble Il est membre de l’académie nationale de pharmacie et Docteur honoris causa de l’université de Montréal. Le Professeur Jean Calop a assuré la responsabilité de la pharmacie hospitalière du CHU de Grenoble pendant plus de 25 ans. Il a également dirigé avec le Dr Philippe Menthonnex des travaux sur le DMP et l’organisation du système de santé au sein de l’Alliance Entreprise Université de Grenoble.

Une crise sanitaire sans précédent 

Qui aurait pu prévoir que la France serait dans cet état, il y a quelques mois lorsque l’on a appris l’existence d’un foyer viral en Chine et qu’un confinement était mis en place. C’est loin la Chine !… Dans notre esprit gaulois rien ne pouvait nous arriver ou de croire que, comme la radioactivité de Tchernobyl, le virus allait s’arrêter à nos frontières. Nous y sommes et l’épidémie s’est installée en France et partout dans le monde.

Il faut expliquer à nos enfants et petits-enfants comment sera leur avenir et quelles leçons ils devront en tirer. Ceux de la génération d’après-guerre juste après 1945 (dont je fais partie) ont entendu leurs parents parler de la guerre de 1939-1945, du couvre-feu, d’exactions diverses, de la résistance, du débarquement, bref de l’état de guerre. Tout cela pendant 6 longues années. La génération d’après connaissait la guerre d’Indochine puis celle d’Algérie…

Il faut expliquer prendre conscience que cette guerre, par nature différente va peut-être s’inscrire dans l’avenir sous des formes différentes. Il convient alors d’anticiper les changements et les contraintes qui vont l’accompagner. Il est certain que c’est une forme nouvelle de guerre, une guerre « sanitaire » contre un ennemi invisible. Ce n’est pas la première épidémie ; d’autres épidémies ont frappé le monde (pandémie) : la grippe espagnole en 1918, la « grippe asiatique en 1957 » la grippe de Hong Kong en 1969 et la grippe aviaire (H1N1) en 2009… Et nous nous en sommes bien sortis. Nous sortirons également de cette celle-ci qu’il était difficile de prévoir sauf pour les plus avertis qui regardent avec attention la périodicité de ces invasions « barbares » virales. En tout état de cause, il est évident que cette crise se déroule dans un contexte de globalisation poussée qui a accéléré la diffusion et mis en exergue les faiblesses des nations à se protéger efficacement.

Une crise sanitaire non anticipée

Tout prévoir et mettre en stock pour la prochaine guerre ! Bravo à ceux qui hurlent avec les loups et qui mordent tous les acteurs publics… Sans vouloir être partisan, une pensée pour le Ministre de la Santé, M. Olivier Véran, qui doit assumer les pénuries de masques, de tests de dépistage, de gels hydro alcooliques (les fameux stocks de précaution etc…)  Il doit maintenant rétablir une situation de riposte efficace et prévoir les solutions d’avenir. Souhaitons-lui bon courage, ainsi qu’à tous les acteurs de la santé mais aussi des autres secteurs agissant dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en vigueur.

La gestion des stocks des produits de santé, pour répondre aux besoins quotidiens reste une tâche difficile ; Je ne saurais trop souligner le travail de l’ombre, dont on ne parle jamais sur les plateaux télés, effectué par les pharmaciens hospitaliers dans l’approvisionnement discret des médicaments, des dispositifs médicaux stériles, de la stérilisation de différents dispositifs et du linge opératoire, de l’antisepsie de la désinfection, de leur implication dans les préparations magistrales et de leur activité d’aide à la prescription avec leur activité de pharmacie clinique (proche du patient à côté des médecins). Ces pharmaciens hospitaliers ont dû gérer, comme les pharmaciens d’officine, les ruptures d’approvisionnement de certains médicaments utilisés en réanimation, étudier et proposer d’autres solutions aux médecins pour que les patients n’aient pas de « perte de chances ».

Par ailleurs, on a observé un besoin effréné de la part de certains professionnels et influenceurs d’opinion de s’exprimer, et en boucle, sur la situation. Plusieurs d’entre eux refont l’histoire ou multiplient les critiques vis-à-vis des autres. Cela est trop facile ! Tous, nous devrions dire no comment ! Arrêtons et occupons-nous de l’urgent : ce n’est pas le moment de régler des comptes. Des leçons fondamentales seront tirées nous l’espérons de cette crise quand le calme sera de retour.

Quel est l’ennemi à combattre ?

Il convient de prendre conscience de la nature de l’ennemi à combattre ? Un ennemi invisible que l’on ne connait pas ; un virus mutant qui pénètre dans nos cellules, dans les alvéoles pulmonaires, qui se transmet par les mains et la bouche avec des postillons quand on parle et qui peut entrainer la mort. Nous sommes dans une épidémie virale qui est devenue une pandémie. L’ennemi est identifié mais invisible !

Il s’agit du SRAS Covid 19 ; Le SRAS signifie Syndrome Respiratoire Aigu Sévère c’est un corona virus c’est-à-dire un virus qui a autour de lui une couronne. Des milliers de chercheurs dans le monde essayent de savoir comment vit ce virus ? Comment il pénètre dans notre organisme ? Quelle est sa cible cellulaire ? Comment le neutraliser et le combattre ? Pour échapper à la mort. Les progrès fulgurants du savoir, de la connaissance et de la recherche dans le domaine scientifique en viendront à bout. Ces progrès qu’ont permis l’informatique, internet, l’intelligence artificielle, les progrès de la médecine irriguée par toutes les disciplines physique, chimique, mathématique, biologique, génétique, immunologique bactériologique, virologique, pharmacologique, la coopération internationale, les sociétés savantes etc… L’ensemble va largement contribuer à mieux connaitre ce virus pour apporter une solution efficace et détruire cet ennemi qui reste un « parasite » de de la cellule et de l’espèce humaine. Nous connaissons les microorganismes que sont les bactéries les rickettsies, les parasites, et ces virus ; nous connaissons leur « génie génétique », les mutations et la résistance qu’ils opposent aux antibiotiques au sens large. Mais concernant ce corona Virus (Covid 19) si l’on connait sa famille, ce dernier né s’est adapté, a muté et a déjà causé beaucoup de dégâts ; les mutations restent une réponse naturelle d’adaptation (« the struggle for life » avec la théorie de l’évolution de Darwin) pour qu’il vive et perdure en contaminant l’organisme humain.  Les hommes, dans leur grande générosité, le partage avec leur entourage immédiat sans savoir dans un premier temps qu’il pouvait être mortel. Il faut répondre vite et s’adapter paradoxalement au « génie génétique » de ces microorganismes. Donc mobilisation générale du monde entier pour lutter contre ce virus ARN et mettre en place rapidement une stratégie pour éviter qu’il se répande… Les épidémiologistes précisent que c’est le confinement et l’adoption de gestes barrières et en particulier le port du masque qui sont indispensables pour nous protéger.  Il faut être discipliné et solidaire, pas simple ! Nous sommes dans un pays latin (comme l’Espagne et l’Italie) et probablement moins disciplinés que les pays anglophones et nordiques ou les recommandations et l’appel à la citoyenneté sont prioritaires sur l’obligation et la verbalisation.
L’ennemi est d’autant plus redoutable qu’il est méconnu, se transmet vite et qu’il est particulièrement agressif ce qui entraine des conséquences graves, voire mortelles.

Le confinement pour contenir et affaiblir l’ennemi

Le confinement était essentiel, à défaut de vaccin ou de traitement connu, pour éviter la propagation de ce virus. Il a permis de gagner du temps pour qu’un ensemble de mesures préventives puissent se mettre en place (interdiction de rassemblement des personnes, adoption réflexe de gestes barrières : port du masque, antisepsie des mains, distanciation sociale) et donner des résultats. Un consensus existe ! Personne ne conteste cette étape quelles que soient les difficultés et les répercussions sociales et économiques qu’elle va entraîner. Le confinement ne sera réussi que si la responsabilité individuelle joue son rôle.

Détruire l’ennemi dans l’environnement

Traiter c’est détruire l’ennemi. Certes ce virus nous a envahi sans que l’on soit préparés. Nous avons manqué de masques, de gel hydro alcoolique, de tests de dépistage, et pas encore de traitement efficace. De magnifiques élans de solidarité et l’imagination de chacun ont surgi pour régler ces problèmes. C’est l’impatience qu’il a fallu gérer… C’est la guerre ! On connait l’ennemi et sa stratégie pour contaminer et se reproduire ; on ne connait pas encore les armes pour le détruire in vivo, c’est-à-dire dans notre organisme.

IN VITRO (dans une éprouvette), nous avons les antiseptiques et les désinfectants Précisons, pour qu’il n’y ait pas de confusion, qu’un antiseptique est un produit qui peut être utilisé sur les tissus vivants (la peau, les muqueuses et les plaies) et un désinfectant est un produit qui peut être utilisé sur les surfaces inertes. Par ex L’eau de javel (hypochlorite) à dose appropriée est un désinfectant et la solution de Dakin est un antiseptique (formulée pour être tolérée sur la peau les muqueuses et les plaies.) Parmi les antiseptiques connus le DAKIN (à base d’hypochlorite de sodium neutralisé) l’alcool iodé, la teinture d’iode la polyvinyl pyrrolidone iodée (Betadine) l’alcool à 60 degrés, 90 ° (attention il n’a pas d’effet durable car il s’évapore très vite), l’alcool modifié. Tous ces antiseptiques restent efficaces et peuvent être utilisés mais l’on choisira le moins agressif pour la peau.

IN VIVO, c’est-à-dire introduire des traitements dans l’organisme humain (les médicaments). Nous savons que quand on introduit une substance étrangère (un xénobiotique) dans l’organisme humain, ce dernier va réagir pour l’absorber, le distribuer, le biotransformer si besoin afin de l’éliminer rapidement. Ce sont des études pharmacocinétiques qui permettent de connaitre l’ensemble de ces étapes. Pour l’instant aucun produit ne s’avère nettement efficace mais certains espoirs sont à souligner, nous y reviendrons.

Identifier, dépister les personnes porteuses du virus

Identifier et dépister les patients c’est établir un diagnostic de la pathologie : c’est le rôle et le privilège des médecins ; c’est eux qui sont en première ligne, ils prennent des risques et rêvent d’une protection et de l’existence d’un centre de prélèvement et de prise en charge spécifique (centre COVID) ; ils recommandent dans le contexte actuel la téléconsultation pour éviter des croisements. Ils sont à l’écoute des plaintes du patient et trient les informations. Ils utilisent souvent la biologie et l’imagerie médicale pour conforter le diagnostic établi sur les signes cliniques ; c’est « l’avant hospitalisation ». Le médecin généraliste partage ses pratiques avec des confrères et se renseigne s’il existe un traitement qui est efficace ; sinon il s’en remet à son expérience, et va tout mettre en œuvre pour éviter l’hospitalisation et l’engorgement des hôpitaux. Leur rôle est essentiel ce sont les « fantassins ».

Dépister passe par les laboratoires d’analyses médicales et par la mise en place des tests. Les biologistes disposent de deux méthodes : une directe qui identifie la présence du virus (prélèvement nasopharyngé ou oropharyngé, gorge ou nez) et utilise une méthode d’amplification appelé dans un jargon de biologistes la « RT PCR » (Reverse Transcriptase -Poly Chain Réaction). A partir de l’ARN viral, il y a possibilité d’amplification soit de l’ARN viral soit des protéines virales. Une indirecte (immunologique) : à partir d’un prélèvement sanguin on vérifie que l’organisme a fabriqué « des anticorps » pour se défendre. (Ex : test Elisa pour Enzyme-Linked Immuno Assay : test d’immunoabsorption enzymatique »). Il y a une recherche d’anticorps constitués d’immunoglobulines : 1-les immunoglobulines M (IgM) réponse de l’organisme 7 à 10 jours après le début de la maladie et du contact avec le virus ; 2- Les immunoglobulines G réponse immunitaire de l’organisme, pour ces derniers l’identification demande plus de temps, entre 7 et 14 jours, et permet de connaitre qui a été contaminé par le virus. Beaucoup d’industriels (BD, BIOMERIEUX, ROCHE Diagnostics, CEPHEID, NG Biotech etc…) et d’institutions (PASTEUR) sont sur les rangs pour proposer ces tests.

L’organisation du déconfinement qui mobilise des politiques et des scientifiques mais aussi des économistes passe par un dépistage rapide des covid +. Il faut espérer qu’à partir du 11 mai ces tests seront en quantité suffisante pour répondre à l’urgence et identifier tous ceux, en plus des personnels de santé, qui sont et ou seront en contact quotidien avec le public, ceux qui présentent les symptômes d’un covid ainsi que ceux qui souhaiteront être dépistés.

Ainsi après l’isolement et le déconfinement il va rester le traitement de ceux qui sont diagnostiqués soit cliniquement soit biologiquement soit les deux des patients covid plus. Ce que l’on sait c’est qu’il faut aller vite.

Traiter les patients contaminés par le virus (les COVID +)  

Nous changeons de registre dans lequel les adultes ont du mal à se faire une opinion. Ne parlons plus des enfants.  Avant d’aborder le ou les traitements possibles précisons que la seule réponse fiable et durable passe par le vaccin et les chercheurs du monde entier compétents publics et privés s’en préoccupent. Mais il va falloir attendre environ une année.

Actuellement à l’essai il y a la sérothérapie qui consiste à recueillir le plasma des patients guéris depuis quelques temps, ces derniers ayant développé des anticorps (IgM et IgG) on injecte aux malades ce plasma qui permet de transférer une sorte d’immunité passive.  Les premiers résultats sont encourageants mais cette thérapeutique ne peut pas être mise en place, pour l’instant, à grande échelle.

Beaucoup de pistes sont explorées et finiront par aboutir. Il est question du BCG et de la protection immunitaire qu’il a donné et qu’il pourrait entrainer. D’autres antiviraux qui ont été testés contre le VIH seuls ou en association ; ils font l’objet de screening parfois avec les anticorps monoclonaux, l’interféron … Au regard de la liste des médicaments utilisés il y a des surprises (parmi eux la colchicine, l’halopéridol, l’entacapone, la metformine, le verapamil, le captopril, le linezolid l’acide valproique …) pour n’en citer que quelques-uns. Difficile d’expliquer tous ces choix.  En dehors de l’hydroxychloroquine que nous traiterons à part, prenons un exemple pour illustrer les difficultés et les espoirs que cela peut faire naitre : Dernièrement les australiens viennent d’identifier l’ivermectine (activité antiparasitaire également comme la chloroquine) qui possède des propriétés antivirales (anti covid 19) importantes IN VITRO. Sauf qu’in VIVO avec les formes galéniques existantes sur le marché ce produit n’est que très peu absorbé et l’activité reste locale et ne peut donc manifester une action qu’au niveau intestinal ; or le virus semble être présent en partie dans les fèces (Excrément solides des humains). Il circule des informations intéressantes sur un hôte, une bactérie qui pourrait expliquer l’action de certains antibiotiques…. Mais cette hypothèse doit être confirmée, attendons la suite. En attendant des essais d’une forme injectable retard sont en cours mais prendront aussi du temps. Beaucoup de ces essais finiront sur un échec mais les réponses seront là en les présentant comme des impasses. Elles sont donc utiles.  

L’hydroxychloroquine un chapitre très spécial ?

Le choix de l’hydroxychloroquine pour traiter le COVID : pourquoi pas ? Outre qu’il a été publié par les chinois une activité intéressante l’hydroxychloroquine est un dérivé de la chloroquine elle-même produit de synthèse issue de la quinine, antipaludéen (donc antiparasitaire) bien connu dont les propriétés ont été améliorées par les chimistes. L’hydroxychloroquine est utilisée en rhumatologie et en dermatologie pour son activité antiinflammatoire et antiphotosensibilisant ; elle peut diminuer par son activité antiinflammatoire le deuxième stade de la pathologie après l’infection virale celui de l’orage cytokinique. (Une cytokine inflammatoire est un type de molécule excrétée par les cellules immunitaires). De plus elle possède une action antivirale qui a été démontrée in vitro sur le coronavirus 19 par les chinois et confirmée en France. Ce traitement a suscité un espoir compréhensible, mais aussi une contestation à la mesure de l’espoir suscité. Les polémiques, entre les pro et les anti, alimentés par les médias d’information continue ont produit des conséquences que nous aurons à mesurer objectivement après le retour au calme. En tous cas, une conséquence actuelle est celle de ne plus rendre accessible à la prescription de ville l’hydroxychloroquine en le réservant à la prescription hospitalière invoquant les effets indésirables de ce produit.

Sur quoi porte les principales critiques ? son indication elle est nouvelle une infection virale envahissante qui provoque des dégâts. Pourquoi elle a été essayée par les chinois ? Nous n’avons pas de réponse car la polémique a pris le dessus sur l’éclairage et la distanciation.

L’argument de la méthode : l’idée de l’antirhumatismal antipaludéen ayant été reprise par l’équipe marseillaise le débat a glissé sur la méthodologie des essais cliniques avec deux méthodes qui « continuent à s’affronter ». Elles poursuivent le même objectif ne reposent sur les mêmes bases :  l’une associe très rapidement dès que le dépistage est réalisé un antiinflammatoire antiviral (l’hydroxychloroquine) et un antibiotique de la classe des macrolides (l’azithromycine) c’est-à-dire deux médicaments. L’autre avec une méthodologie plus rigoureuse mais plus compliquée à mettre en place l’étude Discovery qui traite les patients dans la phase d’hospitalisation, donc plus tard, et avec l’hydroxychloroquine seule sans associer l’antibiotique (l’azithromycine). Les résultats vont être difficilement comparables. Sur le plan éthique en période de guerre si l’on soupçonne une activité de cette hydroxychloroquine un groupe placebo était difficile à mettre en place et l’on peut comprendre l’état d’esprit de départ.  Ces études débat ne vont pas donner une véritable réponse sauf sur d’autres produits introduits, dans l’étude Discovery en dehors de l’hydroxychloroquine (le remdesivir, le mélange lopinavir/ritonavir et avec un bras en plus associant l’interféron). En attendant en dehors de l’hôpital il faut traiter !

Fallait-il limiter la prescription de l’hydroxychloroquine aux hospitaliers ? La décision s’est basée sur deux arguments : l’un sur les effets indésirables importants et l’autre sur les interactions médicamenteuses entre l’hydroxychloroquine et l’azithromycine.

L’argument des effets indésirables de l’hydroxychloroquine.

Les personnes qui s’occupent de pharmacovigilance ont pour rôle de collecter les effets indésirables, lors de l’expertise toxicologique et clinique avant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) puis ensuite après cette AMM sur une plus large population dans l’indication d’une ou de plusieurs pathologies. Tous les médicaments ont des effets indésirables. Les médecins et pharmaciens plus spécialement chargés de cette pharmaco vigilance sont ceux qui, comme dans le code de la route, mettent pour les « conducteurs » d’une thérapeutique des panneaux de signalisation pour chaque médicament.  Les conducteurs sont les médecins (diplôme de docteur en médecine) avec des copilotes les pharmaciens (diplôme de docteur en pharmacie) qui valident les ordonnances.  Ces panneaux permettent de connaitre les dangers et d’inciter à la prudence. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) est avant commercialisation d’un médicament une procédure d’homologation au cours de laquelle des études analytiques, toxicologiques pharmacologiques, pharmacocinétiques, cliniques démontrent que le médicament est efficace et que le rapport bénéfice/ risque est favorable.  Une fois commercialisé le médicament sera utilisé sur une plus grande quantité de patient et la Pharmacovigilance reste maintenue pour recenser les effets indésirables et leur pourcentage d’apparition chez les patients.

L’argument des interactions médicamenteuses entre l’hydroxychloroquine et l’azithromycine : il existe entre ces deux médicaments des interactions médicamenteuses. Elles sont connues avec un niveau de gravité (le panneau de signalisation) « une précaution d’emploi » et donc une surveillance du rythme cardiaque mais l’association n’est pas « contre indiqué ». Précisons que des interactions existent entre beaucoup de médicaments et qu’il existe des logiciels d’alertes qui permettent lors de la prescription et de la dispensation d’en prendre connaissance (Basé sur un thésaurus officiel). Elles sont gérables pour la majorité d’entre elles et à déconseiller et contre indiquée pour d’autres.

 De la même façon pour reprendre l’exemple de la circulation automobile des interactions entre automobiles existent et pourtant en respectant les règles de prudence la destination fixée au départ est atteinte.  

Prescription d’hydroxychloroquine et médecins généralistes ?

Les générations d’après-guerre ont vu naitre les procédures, l’assurance qualité et ses différents stades, l’accréditation et la certification des hôpitaux, le comité de protection des personnes, la CNIL, les référentiels, les normes AFNOR, les comités d’éthiques, les conflits d’intérêts,  la certification et les procédures qui en découlent, les homologations, le principe de précaution, les agréments, le secret professionnel, le pas pris par l’économique sur le technique, la pharmacovigilance etc ….Autant d’éléments rentrés dans la culture quotidienne de chacun mais qui dans un contexte d’urgence ralentissent considérablement un ensemble d’actions et de décisions.

Lorsqu’il y a des urgences les voitures prioritaires comme les ambulances, le SAMU, les voitures de pompiers et de police transgressent certaines règles prioritaires en utilisant le gyrophare et l’avertissement sonore pour aller plus vite et répondre à l’urgence. Les automobilistes participent à la fluidité de leur circulation en laissant le passage. Si cette comparaison est acceptée alors le droit prescrire et de transgresser certaines règles doit permettre d’aller plus vite pour sauver des vies.

Les pratiques de terrain sont influencées par toutes les publications et les informations par des réseaux et confortent l’idée de l’équipe marseillaise : que dès que le diagnostic est établi et confirmé par un test positif il faut traiter rapidement (en l’absence d’hydroxychloroquine) avec des antibiotiques (bétalactamines et ou macrolides) qui sont prescrits dans l’indication : infection pulmonaire sévère et avec des résultats semble-t-il satisfaisants. D’autres médicaments peuvent être ajoutés et des propositions existent par exemple pour stimuler l’immunité. Autre exemple, il émerge dernièrement des observations que des risques de thromboses veineuses profondes existent ce qui nécessitent des compléments de traitement en introduisant des anticoagulants (héparine ou antiagrégants plaquettaires). L’urgent est d’éviter bon nombre d’hospitalisations. Si cela se complique l’orientation vers l’hôpital pour bénéficier d’un traitement plus complet et adapté à la gravité est mis en place. A ce stade le but reste de prévenir l’étape de la réanimation pour une prise en charge beaucoup plus lourde et faire face à une inflammation grave (l’orage cytokinique que nous avons évoqué plus haut).

Dans l’urgence les médecins généralistes doivent mettre en œuvre des thérapeutiques basées sur leur sens clinique leur expérience et ce qu’ils connaissent dans pareil cas. Les laisser dans cette période prescrire un médicament en leur « âme et conscience » même hors AMM (ils en ont le droit) à condition que le patient lui donne son consentement et que ce dernier « soit libre et éclairé ».  Il est intéressant de les voir échanger, sur les plateformes, leurs expériences et ce qui semble « marcher » ils ont besoin d’être guidés et de ces échanges (par exemple citons celle créée par la Société française de médecine générale, le Collège de médecine générale et la Société francophone des sciences pharmaceutiques, « la plateforme Covigie » qui permet aux soignants de premier recours de faire remonter aux autorités leurs inquiétudes mais également leurs initiatives dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 ».

Rappelons que la prescription d’un médicament est réalisée par un conducteur agréé avec un permis de conduire (docteur en médecine) souvent aidé par un copilote (le pharmacien qui dispense et valide une prescription), une voiture répondant aux normes de sécurité (médicament avec AMM) et un code de la route pour éviter des accidents et signaler des zones dangereuses (les pharmacovigilants). Les conditions sont remplies.

La chimioprophylaxie, un espoir ?

L’hydroxychloroquine donne une autre idée : si l’effet préventif de la chloroquine est connu dans le paludisme cette piste doit être évaluée rapidement avec l’hydroxychloroquine ou avec d’autres antiviraux (tels que ceux essayés dans l’étude Discovery remdisivir lopunavir/ritonavir …) Cette idée n’apparait pas actuellement dans les débats télévisés ou dans les publications scientifiques avec des essais cliniques randomisés. Il s’agit ici de chimioprophylaxie et d’antibioprophylaxie (pourquoi pas l’azithromycine). Ces méthodes sont régulièrement mises en place soit dans la prévention par exemple du paludisme (la chloroquine !) ou les recommandations de l’HAS pour la prophylaxie pré-exposition (PrEP)) au VIH ou encore avant certaines interventions chirurgicales pour prévenir l’apparition de surinfections post opératoires. L’exemple de la prévention du paludisme est connu de tous les voyageurs qui ont été exposés au risque du paludisme dans certains pays « La prise de chloroquine est à débuter le jour de l’arrivée dans la zone impaludée et doit être poursuivie pendant 4 semaines après la sortie de cette zone ».

Nous avons pris connaissance qu’une équipe de l’hôpital Necker Cochin teste cette méthode sur le personnel soignant volontaire avec un essai clinique randomisé avec l’hydoxychloroquine pour un groupe, l’azithromycine pour un autre et enfin un groupe placebo. Cela permettrait aussi en cas de réponse positive pour l’une ou plusieurs de cette thérapeutique de réguler le risque d’infection nosocomiale par les soignants contaminés en contact avec les patients et réciproquement. Ce risque nosocomial vient d’être signalé par l’académie de médecine (communiqué du 14 avril 2020).
Espérons une réponse rapide et positive des essais menés sur cette chimioprophylaxie

Le Dossier médical partagé (DMP) est une des solutions d’avenir contre les crises sanitaires

Le Dossier Médical Partagé (DMP) est un « carnet de santé numérique » qui conserve et sécurise les informations de santé : traitements, résultats d’examens, allergies… Il permet de les partager avec les professionnels de santé désignés par le patient qui en ont besoin pour optimiser le diagnostic, le traitement et la surveillance de la ou les pathologies. (https://www.dmp.fr/). Nous avons été quelques-uns localement à défendre ce DMP depuis plus de 10 ans. L’Alliance Universitaire Entreprise de Grenoble a permis au cours de colloques et de tables rondes régulières (25 mai 2009, puis 26 mai 2010, 14 Nov 2012, 13 Nov 2014, 30 nov 2016). La dernière réunion le 7 Juin 2017 le DMP était traité à l’intérieur d’un débat nécessaire sur les relations ville hôpital et le parcours du patient avec l’avènement de la télémédecine.

Il est clairement apparu au cours des débats la nécessité que ces DMP vivent. Bien distinguer la création et l’alimentation. La création est rapide : les médecins, les pharmaciens l’assurance maladie certaines personnes de centres de soins peuvent le créer ; ensuite il faut que chaque acteur concerné – médecins, hôpitaux, pharmaciens, radiologues, biologistes… – l’alimentent. Le patient peut commencer à l’alimenter. En cas d’hospitalisation il est rassurant de constater que principalement les CHU sont en train de mettre en place un système d’alimentation automatique de ces DMP ».

Ce DMP synthétique est basé sur le volet de synthèse médicale (VSM) qui est consensuel, issu d’un accord entre les syndicats et la haute autorité de santé (HAS) https://www.has-sante.fr/jcms/c_2608066/fr/volet-de-synthese-medicale-vsm. L’évolution se fera vers un accès simple à son DMP sur son portable et permettant aux urgentistes et aux médecins, en consultation ou en téléconsultation, de disposer très vite des informations validées par le médecin traitant et le patient ; il existe aux USA sur la majorité des portables le « blue botton » utilisé mis au point par une française docteure en médecine qui permet la mise à disposition rapide des principales données médicales et du traitement suivi par le patient. Il est possible d’obtenir cela en France et des solutions existent et ont été présentées dans le cadre de ces colloques par deux sociétés (https://www.softin.fr/magicmed/ https://www.softin.fr/ et Beebuzziness https://www.societe.com/societe/bee-buzziness-443265400.html ) cela demande des accords avec l’assurance maladie avec les procédures d’agréments de sécurité des données et d’enjeux de pouvoir.

Dans le cadre du COVID le DMP serait utile chez les tous les patients mais particulièrement chez les patients polypathologiques ayant des comorbidités et permettrait de gagner du temps :

  • lors d’une éventuelle hospitalisation
  • lors d’une téléconsultation pour prendre des décisions importantes et urgentes ciblées sur le traitement du COVID 19 (Dans ce dernier cas il éviterait certaines erreurs faute de connaitre les antécédents des patients) .
  • Dans la prise en compte rapide des contre-indications, des et des précautions d’emploi des médicaments dans une ou des pathologies chronique(s) identifiée(s) chez un patient. Ce d’autant que le dossier pharmaceutique créé et alimenté par les pharmaciens avec succès permet de connaitre l’historique des traitements pris par le patient : http://www.ordre.pharmacien.fr/Le-Dossier-Pharmaceutique/Qu-est-ce-que-le-DP
  • Dans le partage RAPIDE des informations entre les professionnels de santé.

Bref, cette crise sanitaire a montré que le recours à un écosystème de solutions et de technologies intelligentes regroupant le DMP, la télémédecine, la téléconsultation, la pédagogie grand public, etc. est une vraie solution qui permet de protéger notre santé, notre société et notre économie. En effet, toutes ces dimensions se sont avérées interdépendantes pour aux yeux de chacun et qu’il convient pour l’avenir d’imaginer de travailler mieux de manière collaborative, innovante et moins égocentrée.